Au moment où le manque de financement et de compétences techniques entravaient la croissance du secteur avicole au Mali et dans la plus part des pays d’Afrique de l’Ouest, un commissaire à la retraite, Yaya Sangaré, mobilise suffisamment de capitaux, d’équipements et de main d’œuvre pour approvisionner aujourd’hui le marché local en volaille.
Située à la périphérie de Bamako, la capitale malienne, la ferme avicole de Yaya compte environ 6000 poulets, dont la plupart sont ‘’Wassachiè’’, une espèce locale très appréciée des producteurs et des consommateurs maliens. ‘’Wassachiè’’ signifie ‘’poulet de satisfaction en Bambara, la langue la plus parlée au Mali.
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La réduction de la pauvreté et l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle restent des défis majeurs dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre où environ 40 % des enfants de moins de cinq ans, souffrent de retard de croissance.
Selon la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, augmenter la consommation d’œufs et de viande de volaille apporte des effets bénéfiques pour les hommes. Cependant, la consommation des produits de la volaille reste un luxe dans la majeure partie des pays en Afrique subsaharienne, alors que les besoins en protéines animales sont très élevés.
Pourquoi le ‘’Wassachiè’’ ?
L’un des objectifs du Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO), créé en 2008 était de proposer des solutions innovantes pour booster la productivité agricole, afin de renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations de la région.
Au Mali, dans le cadre de son travail de génération et de diffusion des technologies innovantes pour améliorer les conditions de vie des populations, le PPAAO a pris l’option de vulgariser le ‘’Wassachiè’’ après que des recherches approfondies aient démontré les propriétés génétiques exceptionnelles et les caractéristiques améliorées de cette espèce qui en fait une race unique capable de stimuler le secteur avicole local, tout en contribuant à la sécurité nutritionnelle des Maliens.
Par rapport aux autres races de poulets, les experts affirment que le ‘’Wassachiè’’ est plus résistant aux maladies, plus nutritif, a un meilleur goût et produit plus d’œufs que les autres races locales de volaille. La femelle adulte pond entre 160 et 170 œufs, contre 60 à 80 œufs par an, pour les autres races locales.
Gagner la concurrence du poulet braisé ‘’bon marché’’
Malgré les avantages, l’adoption du ‘’Wassachiè’’ n’a pas atteint les niveaux souhaités où les citoyens ordinaires peuvent se l’acheter et améliorer encore leur sécurité nutritionnelle. Cette situation est due en partie au coût relativement élevé du poulet ‘’Wassachiè’’ à en croire le président d’une association de producteurs de ‘’Wassachiè’’ à Bamako.
Alors que beaucoup s’accordent à dire qu’il est relativement meilleur en termes de valeur nutritive et d’adaptation à l’environnement local, l’adoption de cette espèce par la population générale n’a pas encore atteint les niveaux escomptés.
« Les Maliens sont habitués aux poulets de chair qui coûtent entre 1700 et 2000 FCFA (4 USD), l’unité contre 3 500 à 3700 FCFA (7 USD) pour un poulet ‘’Wassachiè’’ dit Yaya.
L’engouement des producteurs de ‘’Wassachiè’’ pourrait être la meilleure alternative pour assurer sa compétitivité sur un marché jusqu’ici dominé par les producteurs et les consommateurs de poulet de chair.
« Malgré son coût élevé, nous considérons toujours le ‘’Wassachiè’’ comme l’avenir de l’industrie de la volaille au Mali, en ce sens qu’il offre une formidable opportunité de fournir du poulet hautement nutritif à notre population,’’ selon le PPAAO Mali.
‘’Nous espérons que l’Etat pourra nous fournir des subventions, » explique Moussa Maguiraga, président de la coopérative des producteurs du poulet Wassachiè a Bamako.
Ce que la forte demande actuelle du ‘’Wassachiè’’, nous enseigne, c’est que les consommateurs apprécient le goût malgré le prix.
La plupart des commandes provenant des hôtels et restaurants de Bamako et de ses environ qu’il reçoit, exigent que Yaya leur fournisse exclusivement du ‘’Wassachiè’’.
‘’Quand le restaurant Loft à Bamako, par exemple passe une commande de poulets, ils insistent sur le fait que ça soit du ‘’Wassachiè’’ et rien d’autre’’ explique Yaya Sangaré qui ajoute ‘’quand je leur dis que je n’en ai pas assez, ils insistent pour que j’en obtienne auprès des autres producteurs de volaille’’.
La plateforme d’innovation pourrait-elle débloquer le défi de la production à grande échelle du ‘’Wassachiè’’?
Reconnaissant la nécessité d’une plus grande vulgarisation du poulet ‘’Wassachiè’’, le PPAAO Mali exploite le potentiel des plateformes d’innovation pour faciliter l’adoption de la production dans les grandes régions du pays telles que Koulikoro, Sikasso et Ségou de cette espèce.
‘’Les plateformes d’innovation rassemblent les acteurs d’une chaîne de valeur particulière. Dans notre cas, nous rassemblons des acteurs de la production de maïs à partir duquel les aliments pour la volaille sont produits ainsi que des groupes de femmes puisque la plupart des producteurs de ‘’Wassachiè’’ sont des femmes’’ soutient M’pie Bengaly, responsable des plateformes d’innovation du PPAAO.
La plateforme d’innovation pourrait-elle résoudre le problème de l’accès au crédit et de la participation des jeunes et des femmes ?
Au Burkina Faso, les plateformes d’innovation offraient une opportunité d’engagement et de dialogue entre les producteurs de niébé, les femmes et les coopératives de crédit. Grâce à ces plateformes, les coopératives de crédit ont appris davantage sur le potentiel du niébé et les possibilités d’y investir. Ayant eu ces informations claires, ils pourraient facilement accorder des prêts financiers aux groupes de femmes productrices.
Au Mali, les plateformes d’innovation peuvent être des opportunités pour les acteurs de s’engager davantage et de booster le secteur vers le niveau attendu.
A Kolokani, dans la région de Koulikoro au Mali, les producteurs de semences d’arachide et de sorgo se sont réunis avec des coopératives de crédit et des banquiers sur l’une de nos plateformes d’innovation. La confiance a été instaurée entre les différents membres et les problèmes d’accès au crédit ont commencé à trouver des réponses.
Pas grand-chose à faire pour commencer
Le retraité Yaya Sangaré pourrait être près d’un milliard de FCFA (2 millions USD) d’investissement aujourd’hui. Mais il soutient qu’il a commencé avec quelques maisons sur un terrain relativement petit. Bien qu’il reconnaisse que la croissance de son entreprise nécessite un financement important, des terrains, des infrastructures et autres intrants, ceux qui désirent démarrer ne devraient pas être découragés par ce niveau d’investissement.
Une source d’inspiration pour les autres, après ce qu’il a réalisé
‘’La plupart de mes employés qui sont des femmes et des jeunes m’ont demandé de leur payer en nature. Donc à la fin de l’année, ils prennent des poulets équivalant à leur salaire pour toute l’année, ce qui leur permet de démarrer leurs fermes avicoles’’ renseigne Yaya.
‘’Ce que j’ai également dit aux autres, c’est que vous n’avez pas forcément besoin d’autant d’infrastructures et d’argent pour démarrer votre ferme. Avec environ 200 poussins, la terre et le bon état d’esprit, vous pouvez commencer’’ conclue-t-il.