Le manioc n’est peut-être pas la première culture au Sénégal au regard du nombre de producteurs et des habitudes alimentaires. Comparé au maïs, au mil, au sorgho, à l’arachide ou à la mangue, il se situe tout en bas de l’échelle. La production annuelle de manioc du pays oscille entre 600 000 et 650 000 tonnes, ces dernières années.
Mais alors que le transfert de technologies et des innovations au plan régional introduit par le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) se concrétise, le Sénégal cherche maintenant à accroître sa production annuelle de manioc.
« Notre ambition est d’atteindre un million de tonnes de manioc par an au Sénégal, » a déclaré Assane Ndiaye, le responsable de l’Interprofession manioc au Sénégal, un groupement d’acteurs qui s’activent autour de cette filière.
Le Sénégal a longtemps considéré le secteur du manioc comme une filière pouvant contribuer à stimuler son économie, à accroître les revenus des acteurs et à renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de sa population. Mais avec les variétés « Soya » et « Combo », deux des variétés locales, peu de progrès ont été accomplis dans ce sens.
« Les variétés locales donnent à peine 11 tonnes par hectare, » explique Assane Ndiaye, alors que celles importées du Ghana donnent entre 25 et 30 tonnes par hectare en conditions pluviales et 40 et 50 tonnes par hectare en irrigation. Parmi les variétés importées du Ghana, on trouve ‘’Ampong’’, ‘’Broni’’, ‘’Sika’’, ‘’Bankyehemaa’’ et ‘’Otuhia’’.
« Ces nouvelles variétés ne sont pas seulement des variétés à haut rendement, résistantes aux maladies et exemptes de parasites, elles sont extraordinaires, en termes de performances, » se réjouit Maguette Diop, qui avait gagné environ 700 000 FCFA (1400 USD), à la fin de la dernière saison de culture.
Au-delà des rendements – la transformation
Le département de Tivaouane, situé à environ 100 km à l’Est de la capitale sénégalaise, Dakar, est la principale zone productrice de manioc du Sénégal. Ici, les acteurs se sont fixés des objectifs plus ambitieux : la transformation du manioc.
Les factures d’importation de blé et d’autres farines au Sénégal sont en nette augmentation, affirment les experts. Bien transformé, le manioc peut produire de la farine, du ‘’gari’’, du ‘’fufu’’ et de l’amidon.
« Le secteur du manioc peut produire jusqu’à 235 000 tonnes de farine par an. Si 10 % de cette farine de manioc est incorporée dans la fabrication de pains, cela réduira la facture estimée à 120 milliards de FCFA, dépensée par le Sénégal, pour importer 2 500 tonnes de farine de blé, pour la fabrication de pains, » a déclaré Ibrahima Wade, l’un des principaux défenseurs de la filière, et coordonnateur de la Stratégie de croissance accélérée du pays.
« Si nous obtenons seulement 10 % de plus dans le secteur de la farine, le gouvernement en tirera profit, » poursuit pour sa part le président du groupement des producteurs de manioc du Sénégal.
« Le manioc est la culture de l’avenir. Avec la transformation, il stimulera la production, créera des emplois pour les femmes et réduira les importations, » renchérit Assane Ndiaye.
Comme dans d’autres chaînes de valeur, le manque de capital et d’équipements peut freiner considérablement les progrès. Alors que le PPAAO Sénégal a investi des sommes considérables dans la responsabilisation des acteurs et le renforcement du secteur du manioc, le groupement de femmes de Taïba NDiaye (Tivaouane) cherche à augmenter la production.
Interrogée sur quelle est leur priorité numéro un en ce moment? La responsable des femmes transformatrices désigne l’équipement.
« Nous avons besoin d’une unité de production capable de nous aider à économiser de l’énergie, de l’argent, du temps et de produire en grande quantité. Il existe des opportunités commerciales importantes pour les boulangers, » a déclaré Maguette Cissé.
Le PPAAO Sénégal a donné une subvention de quatre millions de FCFA (8 000 USD) aux femmes transformatrices de manioc de Tivaouane. Cet appui financier les a aidés à lancer leurs activités.
Le PPAAO a été conçu pour rendre l’agriculture ouest africaine plus productive, durable et plus rentable pour les petits exploitants. Il vise aussi à améliorer les conditions de vie des consommateurs grâce à la fourniture de produits agricoles de qualité à des prix compétitifs, constituer une masse critique de chercheurs pour des programmes de recherche solides, efficaces et collaboratifs et enfin veiller à ce que les technologies générées au niveau national, soient disponibles au niveau régional dans les autres pays membres du programme.
Auparavant, certains pays travaillaient à l’intérieur de leurs frontières avec peu ou pas d’interactions avec les autres pays de la région en matière de recherche agricole. Mais grâce au PPAAO/WAAPP, le Sénégal et le Ghana ont collaboré, ce qui a permis aux agriculteurs des deux pays d’adopter des technologies et des innovations essentielles, au développement de leurs secteurs agricoles respectifs.