Awa Ouédraogo, la soixantaine, vigoureuse, est la présidente de l’Union provinciale féminine namagbzanga (UPFN) de la province du Bam, localité située à 120 km au Nord de Ouagadougou la capitale du Burkina. L’UPFN, forte de deux mille membres, est l’organisation porteuse de la plateforme l’innovation sur le niébé.
Aujourd’hui cette plateforme d’innovation, devenue une référence dans la sous-région ouest africaine, a permis en seulement 3 années aux femmes productrices de niébé de quintupler leurs revenus, de bénéficier du soutien de leur communauté en termes d’accès à la terre mais aussi des institutions financières.
Pourtant la vie n’était pas si rose pour ces femmes avant la mise en place de la plateforme d’innovation, les productrices de niébé du Bam. Elles étaient confrontées à quatre principales difficultés notamment la méconnaissance des semences de qualité, l’accès limité aux terres cultivables, le faible accès aux sources de financement, l’absence d’une chaine de commercialisation fonctionnelle. « Ces difficultés ont découragé plusieurs femmes qui abandonnaient leurs champs pour des sites miniers à la recherche de l’or », se souvient encore Mme OUEDRAOGO.
La mise en place de la plateforme d’innovation, en juillet 2013, avec l’appui du Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO)-Burkina, est arrivée, pour ces femmes qui commençaient à perdre espoir, comme une véritable bouffée d’oxygène.
Des variétés de niébé qui produisent 800kg/hectare contre 550 kg/hectare pour les anciennes variétés
Pour améliorer la productivité des cultures, les centres de recherche introduisent au sein de la plateforme d’innovation cinq nouvelles variétés de niébé à haut rendement. Les productrices adoptent et diffusent, à travers des visites commentées, ces variétés qui produisent en moyenne 800 kg/hectare contre 550 kg/hectare pour les anciennes variétés. « Ces variétés sont appréciées à cause de leur haut rendement, leur cycle court, leurs gros grains et la couleur blanche des grains », atteste le directeur provincial en charge de l’agriculture, Bakary SEREME.
Encouragés par le succès de ces femmes, des chefs coutumiers mènent des plaidoyers pour faciliter l’accès des femmes aux terres cultivables et de plus grandes superficies. Grâce à cet engagement, les superficies octroyées aux femmes atteignent dans certains villages trois hectares alors qu’elles ne disposaient que d’à peine d’un demi-hectare auparavant.
Et de facto, l’accroissement des terres cultivables au profit des femmes a encouragé les institutions financières à les soutenir. « Notre participation aux visites commentées sur les parcelles de production du niébé a permis de nous convaincre de la qualité du travail, des rendements possibles Ainsi nous avons décidé d’augmenter les crédits accordés aux femmes pour la production du niébé », reconnait Aminata CISSE, responsable d’une institution de micro finance membre de la plateforme au même titre que des chercheurs et les chefs coutumiers.
465 tonnes de niébé vendues en 2014 contre 280 tonnes avant la mise en place de la plateforme d’innovation
Cet accompagnement a permis d’octroyer, en 2014, 165 millions de francs CFA (330 000 dollars US) de crédit à 800 membres de la plateforme d’innovation contre 75 millions de francs CFA (150 000 dollars) avant la mise en place de la plateforme d’innovation, ce qui représente une hausse de plus de 100%.
Cette implication des institutions de micro finances dans le fonctionnement et l’animation de la plateforme d’innovation, conjuguée à l’accès des femmes aux semences de qualité et aux terres cultivables, a accru les revenus des productrices : 465 tonnes de niébé vendues en 2014 pour un montant de 120 000 000 de francs CFA (240 000 dollars ) contre des ventes moyennes annuelles de 280 tonnes pour un montant 72 000 000 de francs CFA ( 144 000 dollars ) avant la mise en place de la plateforme d’innovation.
Ces fortes quantités sont écoulées grâce à l’amélioration du circuit de commercialisation avec un engagement ferme d’achat de la société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS).
« J’ai réalisé, en 2014, un bénéfice net de 665 000 francs CFA [(1350 dollars] après la vente à la SONAGESS de 5400 kg de niébé », se réjouie Binta GANSORE, 52 ans, productrice dans la province du Bam, mariée et mère de six enfants.
Une somme importante quand on sait que l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) du Burkina estimait, en 2014, le seuil absolu de pauvreté monétaire à 154 000 francs CFA (310 dollars) par adulte et par an à Ouagadougou, la capitale. Le bénéfice que Mme GANSORE a réalisé, est d’autant plus appréciable que l’INSD révèle toujours qu’au Burkina, en 2014, neuf pauvres sur dix vivaient en milieu rural.
Ce n’est donc pas un hasard si la plateforme d’innovation niébé a obtenu, en novembre 2015 à Dakar, le prix de la meilleure plateforme d’innovation de l’Afrique de l’Ouest. Le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF/WECARD, institution qui coordonne le PPAAO au niveau régional), en collaboration avec la Banque mondiale, lui a décerné ce prix avec à la clé une somme de six millions de francs CFA (12 000 dollars). La plateforme d’innovation a décidé d’utiliser cet argent pour la construction d’un magasin de stockage de niébé dont la pose de la première pierre a eu lieu le 22 avril 2016 à Kongoussi (chef-lieu de la province du Bam).