Les moissons duraient à peine trois mois pour les ménages producteurs de riz de Ngoungoul, un village situé à environ 250 kilomètres au sud de Dakar, la capitale sénégalaise.
Les méthodes traditionnelles de culture du riz demandaient non seulement plus d’eau, de semences et d’engrais, mais les récoltes étaient souvent en deçà des attentes des producteurs.
Au Sénégal, comme dans la plus grande partie de l’Afrique de l’Ouest, le riz est un aliment de base. En d’autres termes, lorsque les rendements sont faibles, les ménages doivent surtout recourir au riz importé pour combler le déficit. Pour les familles vivant pour la plupart avec moins de 2 USD par jour, avec des ressources financières déjà insuffisantes, les poches des chefs de ménages sont souvent soumises à une vraie tension.
Mais depuis l’introduction du système de riziculture intensive (SRI), une méthode de culture innovante et respectueuse de l’environnement, les riziculteurs de ce village sénégalais exceptionnellement boisé dans cette partie du pays, jouissent d’un répit. Les rendements agricoles ont non seulement doublé, mais les agriculteurs utilisent également moins d’intrants lors des campagnes. Les premiers utilisateurs du SRI à Ngoungoul ont enregistré une augmentation de leur production, ce qui a conduit les agriculteurs à utiliser leurs revenus limités, pour gérer d’autres priorités de leur ménage.
En 2014, le Sénégal s’est joint à 13 autres pays d’Afrique de l’Ouest pour mettre en œuvre le SRI. Financé par le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO / WAAPP) au Sénégal, l’objectif principal de ce projet consistait à améliorer la productivité du riz et à atteindre l’autosuffisance alimentaire. Au Sénégal, la plupart des efforts ont été consacrés à l’amélioration de la production du riz pluvial dans les régions centre de Kaolack, Fatick et Kaffrine.
« Les résultats des périmètres agricoles utilisant le SRI ont été très encourageants. Avant, la consommation de riz issu de nos récoltes pouvait à peine durer trois mois. Mais à présent, elle peut durer toute l’année, voire plus », déclare Ndeye Diouf, une habitante de Ngoungoul, âgée d’une cinquantaine d’années.
« Mon mari achetait un sac de riz tous les mois. Mais depuis que nos rendements ont considérablement augmenté, nous consommons maintenant que notre production et utilisons l’argent pour couvrir nos autres besoins » poursuit la bonne dame. »
C’est pareil pour Awa Sarr, une veuve de cinq enfants. « J’utilise maintenant mes revenus supplémentaires pour acheter du poisson, des légumes et d’autres ingrédients, » déclare-t-elle.
« En introduisant cette méthode prometteuse, c’est ce que nous espérions. Les économies réalisées par les familles ne peuvent être que de bonnes nouvelles, car elles leur permettent d’investir dans d’autres composantes essentielles de leur régime alimentaire et d’améliorer ainsi leur sécurité nutritionnelle, » a déclaré pour sa part, Abdoulaye Sy, responsable et coordonnateur du projet SRI dans la zone du bassin arachidier sud de l’Ancar .
Ngoungoul compte environ 800 habitants. Un groupe de producteurs pilotes d’environ dix femmes et un homme font partie des pionniers qui ont adopté le SRI ici. Presque tous les utilisateurs du SRI, ont exprimé un avis favorable en ce qui concerne, l’augmentation des rendements constatée.
Combien de producteurs doivent adopter le SRI pour atteindre l’autosuffisance?
Alors qu’un nombre croissant d’agriculteurs des bas-fonds du Sénégal adoptent le SRI, les experts affirment que pour que cette pratique contribue réellement à l’autosuffisance en riz dans le pays et en Afrique de l’Ouest, elle doit être adoptée par un plus grand nombre d’agriculteurs.
Combien d’agriculteurs?
« En Afrique de l’Ouest, une cible possible pourrait être un taux d’adoption par les agriculteurs de 33 %, soit à peu près 1,5 million de riziculteurs et environ 2,43 millions d’hectares en SRI, » ont déclaré Erika Styger et Gaoussou Traoré, auteurs d’un récent rapport sur la pratique du SRI en Afrique de l’Ouest.
« Il reste encore beaucoup à faire pour renforcer l’utilisation massive du SRI au Sénégal, » affirme Abdoulaye Sy, qui coordonne les efforts d’adoption de la pratique (SRI) au Sénégal, pour le compte de l’Agence nationale de conseil agricole et rural (ANCAR).
Les résultats de la mise en œuvre du projet au Sénégal montrent que dans les régions centre de Fatick, Kaolack et Kaffrine, les rendements des superficies cultivées en SRI étaient 2,5 à 3,6 fois supérieurs à ceux obtenus de la pratique conventionnelle, atteignant en moyenne 3,5 t / ha sous SRI, contre 1,24 t / ha sous pratique conventionnelle. C’est une augmentation très importante, supérieure à celle que l’on peut généralement attendre des zones offrant davantage d’eau aux cultures.
Au total, le projet SRI a profité directement à plus de 50 000 agriculteurs et a touché plus de 750 000 personnes – dont 31,6% de femmes – dans les 13 pays participants d’Afrique de l’Ouest. Les rendements pour les agriculteurs ont globalement augmenté de 56% pour le riz irrigué et de 86% pour le riz pluvial de plateau, rien qu’en plantant le riz différemment et conformément à la méthode SRI.
Quels sont les défis entravant l’adoption?
Le débat ne porte peut-être plus sur les avantages du SRI par rapport aux autres méthodes de culture traditionnelles. Les agriculteurs ici semblent être conscients des avantages du SRI.
Mais qu’est-ce qui empêche l’adoption massive de cette pratique si elle permet de produire plus et d’utiliser moins d’intrants?
« Si nous avions les bons équipements et les bonnes terres, nous aurions pu développer notre culture, » répond Ndeye Diouf, qui dirige le groupe de femmes pionnières pratiquant le SRI à Ngoungoul.
Le défi de Ndeye est le même pour tous les premiers utilisateurs du SRI.
La nature intensive de la main-d’œuvre nécessaire, la préparation du terrain et le manque de matériel agricole de culture et post-récolte sont souvent cités comme des défis.
À Ngoungoul, les riziculteurs utilisent des méthodes artisanales pour préparer les parcelles. Abdoulaye Sy confirme que ce sont quelques-uns des facteurs limitant l’adoption.
L’absence de maîtrise de l’eau, les parcelles ondulées exposées aux inondations après de fortes pluies font également partie des principaux défis auxquels sont confrontés les praticiens du SRI dans ce bassin arachidier du Sénégal. Les experts soutiennent que les travaux de nivellement nécessitent des investissements lourds et que c’est là que le gouvernement pourrait peut-être apporter son aide.
Solutions possibles
Selon la récente publication sur le SRI, trois solutions possibles pourraient être explorées au Sénégal:
- . La formation de groupes pouvant s’entraider lors de la transplantation des pépinières, a été avancée comme une solution possible ;
- . Se focaliser sur le SRI pour la production de semences, sera plus rentable et profitable pour les agriculteurs de changer ;
- . Pour réussir, il est essentiel d’améliorer la collecte de données et les évaluations sur le terrain, ainsi que la tenue de réunions nationales aux fins d’examen, de planification et d’amélioration de la coordination.
- . des aménégements des bas fonds avoisinants du village de Ngoungoul pour permettre à plus de personnes de pratiquer le SRI